Cest par ce mĂ©lancolique quatrain que l’ami Hugo vient saluer, en janvier 1866, la naissance de la petite-fille de George Sand (qui s’appelait en rĂ©alitĂ© Aurore Dupin ), Aurore, Ă  VENDU George Sand (1804-1876), romanciĂšre.. Belle L.A.S. 19/08/1847, sur papier Ă  en-tĂȘte de ses initiales gaufrĂ©es, Ă  son homme d’affaires Gabriel Falampin qui Ă©tait Ă©galement directeur artistique de l’Illustration. Sur les questions financiĂšres dont il est chargĂ© et l’autorisation de recevoir son mari, M. Dudevant, qui risque d’arriver tardivement. GeorgeSand ouvre sa maison aux crĂ©ateurs, organisant la vie Ă  Nohant en fonction de leurs besoins, crĂ©ant une atmosphĂšre de vie collective et cependant libre qui enrichit le travail de chacun. Le salon raisonne encore des discussions, lectures Ă  voix haute et musique des artistes, hommes de lettres, hommes politiques, gens de théùtre qui s’y sont rĂ©unis : Franz Liszt, Marie cash. Le fonds George Sand de la BibliothĂšque historique tire son origine de dons et d’achats auprĂšs de la petite-fille de l’écrivain, Aurore Sand, en 1953 et 1955 et de dĂ©pĂŽts de l’État ; il est enrichi rĂ©guliĂšrement par des acquisitions en ventes publiques ou auprĂšs de libraires. Des lettres de George Sand En complĂ©ment de la trĂšs volumineuse correspondance dĂ©jĂ  conservĂ©e par la BibliothĂšque historique, trois lettres de George Sand ont Ă©tĂ© acquises en 2021 en raison de l’intĂ©rĂȘt particulier qu’elles pouvaient reprĂ©senter pour nos collections. En cette annĂ©e du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert, deux lettres de George Sand Ă  Flaubert ont Ă©tĂ© acquises, l’une datĂ©e du 17 janvier 1869 Sand-NA-0297, et la seconde du 18 janvier 1873 Sand-NA-0296. La BibliothĂšque possĂ©dait jusque-lĂ  seulement quatre lettres de Sand Ă  Flaubert, alors que deux cent quatre de ses lettres sont recensĂ©es dans l’édition Ă©lectronique de la correspondance de Flaubert Ă©tablie par l’universitĂ© de Rouen. On retrouve dans les deux lettres acquises toute l’amitiĂ©, la complicitĂ© et l’humour qui imprĂ©gnaient leurs Ă©changes. Lettre de Georges Sand Ă  Gustave Flaubert, 17 janvier 1869, BibliothĂšque historique de la Ville de Paris Sand-Na-297Lettre de Georges Sand Ă  Gustave Flaubert, 18 janvier 1873, BibliothĂšque historique de la Ville de Paris Sand-Na-296 Dans sa lettre de janvier 1869, Sand mĂȘle des nouvelles de la vie quotidienne Ă  Nohant, des marques de son affection complice, lui assurant ne point passer de jour sans penser Ă  l’autre vieux troubadour, confinĂ© dans sa solitude en artiste enragĂ© », Ă  des informations sur l’avancĂ©e de ses propres travaux littĂ©raires. La lettre du 18 janvier 1873 les retrouve quatre ans plus tard toujours aussi proches, insistant pour que son vieux chĂ©ri troubadour », qu’elle juge trop seul », vienne s’égayer Ă  Nohant auprĂšs d’elle et de son fils Maurice. La troisiĂšme lettre acquise, adressĂ©e par George Sand Ă  Alexandre Dumas fils, datĂ©e du 14 aoĂ»t 1851 Sand-NA-299, vient en pendant de la seule lettre de ce dernier Ă  Sand dĂ©jĂ  conservĂ©e Ă  la BibliothĂšque historique, et en complĂ©ment des lettres adressĂ©es par le jeune auteur dramatique Ă  Maurice et Lina, ainsi que de la correspondance entre son pĂšre et George Sand, dĂ©jĂ  prĂ©sentes Ă  la BibliothĂšque. L’auteur de La dame aux camĂ©lias, alors en pleine rĂ©pĂ©tition de sa piĂšce, ne pourra se rendre Ă  son invitation Ă  venir “à la campagne oĂč l’on se parle mieux en un jour qu’à Paris en un an”, et sera sensible Ă  la bienveillance qu’elle lui tĂ©moigne Ă  propos de son roman Les revenants qu’elle lit alors en feuilleton. George Sand et le théùtre On connait la passion de George Sand pour le théùtre, son Ă©criture comme sa pratique, qu’elle partageait avec son compagnon Alexandre Manceau et son fils Maurice. Elle fit construire Ă  Nohant un théùtre oĂč expĂ©rimenter ses piĂšces avant de les proposer Ă  la scĂšne parisienne, et l’activitĂ© théùtrale restera un fondement de toute la vie sociale et familiale Ă  Nohant, indĂ©pendamment de ses succĂšs et de ses Ă©checs parisiens. Le fonds Sand de la BibliothĂšque historique comprend plus d’une quarantaine de textes dramatiques, et s’est enrichi en 2021 de deux manuscrits de piĂšces reprĂ©sentatives des deux versants de son Ɠuvre théùtrale. En 1864, Sand entreprend d’adapter pour la scĂšne son roman Mont-revĂȘche, publiĂ© en 1853. L’ouvrage connait de nombreuses pĂ©ripĂ©ties caractĂ©ristiques du sort mouvementĂ© du “théùtre des romanciers” de son temps – lectures pour diffĂ©rents théùtres, refus, réécriture, intervention de collaborateurs – et ne sera finalement jamais reprĂ©sentĂ©e. Les 400 feuillets du manuscrit autographe permettent de dĂ©couvrir les quatre actes de la piĂšce, certains en deux versions, avec des titres et corrections de la main de Maurice Sand, dont on ignore l’ampleur de la collaboration Sand-NA-300. Manuscrit autographe de la piĂšce Mont-RevĂȘche par Georges Sand, BibliothĂšque historique de la Ville de Paris Sand-NA-300 Le manuscrit acquis en juin 2021 Ă  la vente de la bibliothĂšque théùtrale du comte Emmanuel d’AndrĂ© fait dĂ©couvrir une piĂšce en trois actes, Les chevaliers du soleil, Ă©crite en 1857, inspirĂ©e d’un roman d’Alexandre Dumas pĂšre publiĂ© cette annĂ©e-lĂ , Les compagnons de Jehu. Ce manuscrit de 62 feuillets, entiĂšrement de la main de George Sand, comprend de nombreuses ratures et coupures qui semblent indiquer que la piĂšce a bien Ă©tĂ© jouĂ©e sur la scĂšne de Nohant, ce que corrobore la distribution en tĂȘte du manuscrit. On y retrouve, parmi les noms des acteurs, ceux d’Alexandre Manceau, de Maurice Sand, de l’actrice Marie Lambert, mais aussi de domestiques et d’ouvriers qui, comme Marie Caillaud – dite “Marie des Poules” –, participaient rĂ©guliĂšrement au théùtre de sociĂ©tĂ© de Nohant, lieu utopique d’abolition Ă©phĂ©mĂšre de leur condition domestique Sand-NA-0306. Ces acquisitions sustentent la vitalitĂ© des Ă©tudes sandiennes actuelles, en France comme outre-Atlantique, et en particulier les projets en cours d’éditions des piĂšces retrouvĂ©es de sa correspondance et du théùtre de Nohant. Lucile-Amantine-Aurore Dupin, dite George Sand, naquit Ă  Paris, rue Meslay, le 1er juillet 1804. Son pĂšre, Maurice Dupin, aide de camp du roi Murat, petit-fils du marĂ©chal de Saxe par sa mĂšre, Aurore de Saxe, mariĂ©e Ă  Claude Dupin de Francueil, fermier gĂ©nĂ©ral, appartenait donc Ă  de grandes familles, tandis que sa mĂšre appartenait au peuple de Paris Sophie Delaborde Ă©tait fille d’un oiselier du quai de la MĂ©gisserie. Le mariage de son fils Maurice avec une femme de si humble extraction dĂ©plut fort Ă  Madame Dupin de Francueil ; toute la jeunesse de la petite Aurore devait en ĂȘtre troublĂ©e. À l’ñge de quatre ans, elle partit avec sa mĂšre rejoindre son pĂšre qui faisait la guerre en Espagne avec Murat. C’est dans ce voyage de Paris Ă  Madrid que l’enfant eut la rĂ©vĂ©lation de la vie et de la mort. Sa mĂšre lui faisait remarquer les beautĂ©s du ciel et des fleurs ce furent les liserons, fleuris dans les montagnes, qui lui firent goĂ»ter pour la premiĂšre fois les dĂ©lices de l’odorat ; un peu plus loin, dans une auberge, on lui avait donnĂ© un pigeon, mais il voulait s’échapper et, ne sachant comment le conserver, elle demanda qu’on le remĂźt avec ses compagnons. Sa mĂšre lui dit qu’on Ă©tait en train de les tuer, l’enfant voulut qu’on le tua aussi. George Sand en 1830, par Candide Blaize EtonnĂ©e de cette insistance, sa mĂšre comprit que l’enfant ne faisait pas de diffĂ©rence entre le sommeil et la mort il fallait le lui enseigner. Mme Dupin l’emmena alors pour lui montrer avec quelles convulsions les pauvres bĂȘtes agonisaient. Devant les cris dĂ©chirants de l’enfant qui rĂ©clamait son pigeon, Mme Dupin le lui rendit elle l’avait cachĂ© sous son bras ; l’enfant en ressentit alors une joie extrĂȘme. C’était dans le palais du Prince de la Paix Godoy que Murat et sa suite habitaient. L’appartement des Dupin Ă©tait immense et tout tendu de damas de soie cramoisi. Il se trouvait dans ce palais d’étranges hĂŽtes, aprĂšs la fuite des possesseurs c’étaient des lapins qui vivaient en libertĂ© dans les plus belles salles d’apparat, et Aurore eut la joie d’en trouver un tout blanc qui vint manger dans sa main et dormir sur ses genoux. Mais elle connut un ĂȘtre bien plus extraordinaire encore, celui que l’on nommait le Prince » comme dans les contes de fĂ©es c’était Murat lui-mĂȘme. Il prit l’enfant en amitiĂ©, car pour se faire pardonner la prĂ©sence de la fillette dans les horreurs de la guerre, Mme Dupin l’avait revĂȘtue d’un costume d’aide de camp identique Ă  celui de son pĂšre pantalon de casimir amarante, avec des broderies d’or Ă  la hongroise, dolman blanc galonnĂ© et boutonnĂ© d’or, pelisse pareille garnie de fourrure noire, jetĂ©e sur l’épaule, et un grand sabre traĂźnant derriĂšre les petites bottes de maroquin rouge » ; rien n’y manquait. Murat prĂ©senta l’enfant en riant aux personnes qui venaient chez lui. Mais la petite Aurore qui aimait dĂ©jĂ  la libertĂ© Ă©tait bien plus heureuse lorsque ayant quittĂ© ce brillant uniforme, elle revĂȘtait le costume espagnol que l’on portait alors, robe de soie noire bordĂ©e d’un grand rĂ©seau de soie qui prenait au genou et tombait en franges jusqu’à la cheville, et la mantille plate en crĂȘpe noir, bordĂ©e d’une large bande de velours ». Ce fut lĂ  aussi, sur la terrasse, qu’elle connut les premiĂšres joies de la solitude pour rĂȘver, jusqu’au jour oĂč tout Ă  coup, ressentant la peur de cette solitude, elle appela le domestique de son pĂšre qui lui servait de bonne d’enfant. Une voix rĂ©pĂ©ta Weber ». L’enfant, intriguĂ©e, chercha qui pouvait parler, qui rĂ©pĂ©tait le nom qu’elle venait de prononcer. Elle recommença, appela sa mĂšre cette fois, puis dit son propre nom chaque fois la voix mystĂ©rieuse rĂ©pondait les mĂȘmes paroles. Elle cacha cette Ă©trange aventure Ă  sa mĂšre jusqu’au moment oĂč celle-ci surprit l’enfant appelant toute seule sur la terrasse ; elle lui apprit alors que c’était l’écho qui lui rĂ©pondait. Aurore n’était plus seule ; elle avait trouvĂ© un ami, un compagnon de solitude l’écho. Il devint son autre elle-mĂȘme ; elle l’appelait son double ». Combien de fois dans l’avenir le chercha-t-elle dans sa solitude morale, dans son amour de la rĂȘverie, dans son grand besoin de dĂ©couvrir son pareil. De retour en France, Ă  travers feu et sang, couchant dans les camps, elle revint chez sa grand-mĂšre Ă  Nohant, maison seigneuriale oĂč elle devait passer la plus grande partie de sa vie. Mais la mort subite de son pĂšre 17 septembre 1808, tuĂ© d’une chute de cheval, Ă  cent mĂštres du pont du Lion d’Argent, en revenant Ă  Nohant dans la nuit, fut le dĂ©but d’une longue crise de chagrin. L’éducation de l’enfant devint une cause de mĂ©sentente entre la grand’mĂšre et sa belle-fille dont l’éducation et la nature Ă©taient si diffĂ©rentes l’une de l’autre. Aurore dut entrer au Couvent des Dames anglaises » oĂč elle fut adoptĂ©e et chĂ©rie de tout le monde ; son dĂ©veloppement fut celui des jeunes filles de l’aristocratie de cette Ă©poque. Cependant, en dehors des jeux oĂč elle Ă©tait la plus endiablĂ©e, en dehors des comĂ©dies oĂč elle Ă©tait la meilleure interprĂšte, oĂč elle adapta mĂȘme une piĂšce de MoliĂšre avec une grande libertĂ© enfantine sans doute, elle portait en elle son Ăąme ardente et mystique qui la jeta dans une dĂ©votion qui l’inclinait Ă  dĂ©sirer prononcer ses vƓux. Son exaltation religieuse que son confesseur et la mĂšre Alicia combattaient doucement, effraya sa grand-mĂšre qui sortit de sa retraite du Berry pour venir l’arracher du couvent. George Sand en 1837. Dessin colorisĂ© de Luigi Calamatta Cette fois, Aurore revint en larmes Ă  Nohant. Elle regrettait ses compagnes et la douceur de la vie monacale. II fallut l’intelligente bontĂ© de Msup>me Dupin de Francueil pour reprendre de l’empire sur la jeune fille qui retrouvait avec tristesse les luttes morales entre sa grand-mĂšre et sa mĂšre. Elle les aimait Ă©galement, mais Aurore de Saxe sut Ă©veiller dans sa petite-fille un cĂŽtĂ© atavique intellectuel qui fit de rapides progrĂšs sous sa bonne influence et donna Ă  Aurore le dĂ©sir d’élargir ses connaissances pour mĂ©riter l’affection de la grande dame qui l’adorait. Elle devint bientĂŽt sa garde-malade, Mme de Francueil, Ă©tant atteinte de paralysie ; avec son caractĂšre gĂ©nĂ©reux et altruiste, la jeune fille passa son temps au chevet de sa grand-mĂšre. Pendant la nuit elle lisait, tout en la veillant ; elle entourait de soins la pauvre femme qui dĂ©clinait. Ce fut le vieux prĂ©cepteur de Maurice Dupin, devenu le rĂ©gisseur des biens de Mme de Francueil, qui secondait la jeune fille dans les soins qu’elle donnait Ă  sa grand-mĂšre. En voyant combien Aurore se fatiguait, Deschartres lui ordonna de prendre des exercices physiques, de monter Ă  cheval, de ne point s’enfermer jour et nuit auprĂšs de la malade. Il traitait Aurore comme il avait traitĂ© son pĂšre, c’est-Ă -dire en garçon ; il lui fit revĂȘtir des vĂȘtements d’homme pour le suivre Ă  la chasse dans les champs labourĂ©s. Du reste, c’était une mode assez souvent suivie pour passer inaperçue ou pour voyager. Aurore, entre la lecture des philosophes, l’inquiĂ©tude que lui donnait la santĂ© de sa grand-mĂšre chĂ©rie, les promenades obligatoires, l’activitĂ© d’un esprit ouvert et passionnĂ© pour la vĂ©ritĂ©, se dĂ©veloppa presque seule. Son extrĂȘme sensibilitĂ© exaltĂ©e par sa nature, tantĂŽt d’une mĂ©lancolie extrĂȘme, tantĂŽt d’une exubĂ©rance juvĂ©nile, ressentit une seconde fois l’horreur de la sĂ©paration ; sa grand-mĂšre mourut, confiant sa direction morale Ă  la famille paternelle d’Aurore, dĂ©sirant, par lĂ , contre-balancer l’influence et le caractĂšre de sa belle-fille. Mais lorsque ses parents, aprĂšs la mort de Mme de Francueil, mirent la jeune fille en demeure d’abandonner sa mĂšre et de la renier, celle-ci, obĂ©issant Ă  son esprit de justice, Ă  son besoin d’équitĂ©, Ă  son cƓur tendre, Ă  la noblesse de son caractĂšre, prĂ©fĂ©ra l’oubli et les anathĂšmes de ses parents nobles plutĂŽt’ que de commettre une vilenie. Elle n’en fut pas rĂ©compensĂ©e ; sa mĂšre tout en l’aimant, la fit durement souffrir par son caractĂšre emportĂ© et souvent injuste. C’est ainsi que ne sachant pas gouverner sa fille, elle la conduisit chez les Duplessis, famille agrĂ©able oĂč elle rencontra celui qui devint bientĂŽt son mari. Casimir Dudevant Ă©tait un jeune officier en non activitĂ©, fils du colonel baron Dudevant, descendant Ă©loignĂ© de la famille Ă©cossaise de Law. Les deux jeunes gens avaient Ă©prouvĂ© l’un pour l’autre une sympathie presque amicale, une confiance rĂ©ciproque qui les aiderait longtemps dans le mariage Ă  conserver l’un pour l’autre une affection qui devait prĂ©server leur foyer jusqu’au moment oĂč les dĂ©fauts de Casimir augmentĂšrent de telle sorte que sa femme ne put les supporter davantage. C’est aprĂšs avoir renoncĂ© au bel amour rĂ©ciproque avec AurĂ©lien de SĂšze, d’un commun accord sacrifiĂ© au devoir, qu’Aurore, ayant senti toute la diffĂ©rence de goĂ»ts et d’aspirations qui existait entre elle et Casimir, chercha, en Ă©crivant, Ă  rendre sa vie plus supportable. AprĂšs une entente avec son mari, elle partit pour Paris, emmenant sa fillette, tandis que son fils Maurice entrait au collĂšge. Elle dĂ©buta dans la littĂ©rature en collaboration avec Jules Sandeau, camarade berrichon pour lequel elle eut ensuite une affection qui finit par une cruelle dĂ©ception. Le nom de George Sand qu’elle prit pour Ă©crire, Ă©tait nĂ© de chagrins domestiques et d’une rupture littĂ©raire. Elle eut bientĂŽt un brillant succĂšs avec Indiana, puis avec Valentine, LĂ©lia, le plus grand chef-d’Ɠuvre littĂ©raire fĂ©minin, mĂ©lange de philosophie, d’amour, de passion, d’un style romantique et d’une majestĂ© de composition rare, qui la mit au premier rang de tous les Ă©crivains de son Ă©poque. Elle rencontra vers ce moment-lĂ  Alfred de Musset, qui l’admirait. D’un caractĂšre trĂšs diffĂ©rent du sien, et d’une valeur tout autre, il s’éprit d’elle. La passion qu’ils Ă©prouvĂšrent l’un pour l’autre leur fit croire un instant au bonheur pour les dĂ©chirer ensuite. Le travail, l’amitiĂ© qui accompagnait toujours chez George, mĂȘme les pires dĂ©sillusions ou les pires chagrins, joints Ă  son amour profond pour ses enfants, l’aidĂšrent Ă  surmonter l’envie du suicide dans le dĂ©nouement de cette union malheureuse. Maurice Sand 1823-1889. Dessin de Luigi Calamatta Mais, aprĂšs cette nouvelle Ă©preuve, elle ne voulait ni ne pouvait se plier Ă  la vie conjugale depuis longtemps terminĂ©e de fait elle plaida en sĂ©paration. Les torts de son mari furent reconnus elle garda ses enfants. Son fils Maurice fut la consolation de sa vie par son affection et ses hautes qualitĂ©s. Tandis que sa fille Solange fut la source d’une angoisse perpĂ©tuelle. Son caractĂšre Ă©tait fantasque et malintentionnĂ©. George Sand Ă©tait belle, d’une beautĂ© brune et pĂąle, Ă©trange Ă  cause de ses grands yeux profonds presque noirs, mats et veloutĂ©s. La bouche Ă©tait bien dessinĂ©e, ni charnue, ni Ă©paisse, mais pleine, sinueuse et moyenne. Son nez Ă©tait d’une belle ligne, aquilin sans ĂȘtre bosselĂ©, les narines dĂ©licates. Son front haut, lĂ©gĂšrement fuyant, Ă©tait pur, ses cheveux, ondĂ©s, bouclaient naturellement et encadraient d’un nuage sombre son visage allongĂ©. D’humeur mĂ©lancolique, avec de brusques gaietĂ©s d’enfant, elle Ă©tait irrĂ©sistible. Tour Ă  tour animĂ©e, rĂȘveuse, silencieuse, passionnĂ©e sous un aspect tranquille, triste jusqu’au dĂ©sespoir, ne craignant rien, ni peine, ni fatigue, ni travail, ni dĂ©sapprobation quand elle sentait qu’elle avait raison, elle fut la plus courageuse des femmes, et elle Ă©leva sa vocation de romanciĂšre jusqu’aux plus hauts et aux plus nobles problĂšmes de l’humanitĂ©. Philosophe et troubadour », elle fit entendre pendant un demi-siĂšcle la voix de ses sentiments gĂ©nĂ©reux, de son Ăąme indĂ©pendante. Jacques, si plein d’elle-mĂȘme, de son Ă©moi, profond et intime ; Le Marquis de Villemeir, Mauprat le roman d’un seul amour au cƓur d’un homme ; Claudie, chef-d’Ɠuvre pastoral, puis Consuelo, Les MaĂźtres sonneurs, oĂč l’art musical tient la premiĂšre place ; Le PĂ©chĂ© de M. Antoine, Valentine, Jean de La Roche, Le Compagnon du Tour de France, oĂč elle exposait sous un tour romanesque les idĂ©es sociales qui se rĂ©alisĂšrent plus tard. L’Homme de Neige, La Comtesse de Rudolstardt, Les Beaux Messieurs de Bois-DorĂ©, unissent de brillantes aventures Ă  la psychologie humaine Ă  travers l’histoire. Si son style admirable s’est teintĂ© dans certaines Ɠuvres de la couleur de l’époque romantique, il reste malgrĂ© ce reflet de l’ambiance l’expression magnifique d’une nature rare, d’un maĂźtre gĂ©nial. On lira toujours Sand parce qu’elle exprime ce qu’elle Ă©tait elle-mĂȘme l’amour, l’intelligence et la bontĂ©. Ce qui caractĂ©rise encore la grande George, c’est l’ampleur et l’indĂ©pendance de ses idĂ©es, c’est aussi la simplicitĂ© de son gĂ©nie. Elle fut l’amie de tous les artistes et de tous les Ă©crivains cĂ©lĂšbres de son temps qu’elle devançait ou dĂ©passait par l’ardente aspiration de son cƓur altruiste et par son intuition de l’avenir. DouĂ©e pour la comprĂ©hension de toutes choses, elle aimait et connaissait la musique, l’histoire naturelle, le dessin, la peinture, les menus soins du foyer. Elle fut non seulement l’amie des Ă©crivains et des poĂštes, mais aussi des musiciens, de Liszt, de Meyerbeer et de Chopin avec lequel un long attachement fut rompu par des raisons en dehors du sentiment des deux amis. Les peintres et les graveurs Charpentier, Couture, Calamatta, furent ses hĂŽtes assidus ; Delacroix la visita souvent Ă  Nohant et devint le maĂźtre de Maurice, fils de George Sand, tandis que Calamatta, le cĂ©lĂšbre graveur d’Ingres et de la Joconde, donnait Lina, sa fille, en mariage Ă  Maurice. Alexandre Manceaux gravait le portrait de George Sand par Thomas Couture, et l’ouvrage remarquable de Maurice Sand Masques et Bouffons. EugĂšne Lambert, Villevielle Leleux, VĂ©ron, Castan, CicĂ©ri, ThĂ©odore Rousseau, et d’autres, l’entouraient et la consultaient, tandis que ClĂ©singer, le cĂ©lĂšbre sculpteur du Second Empire, Ă©pousait sa fille Solange. Un cĂ©nacle, illustre ne cessa d’admirer et d’estimer George Sand. Victor Hugo, Lamartine, Chateaubriand, Lamennais, Balzac, ThĂ©ophile Gautier, les Dumas, Ernest Renan, Gustave Flaubert, Fromentin, Berthelot, Marie Dorval, Bocage, la Malibran, BĂ©ranger, Berton, Mme Viardot, Mme Arnould-Plessy, Sarah Bernhardt, Mme Worms-Barretta, tous les illustres artistes dramatiques aussi bien que les crĂ©ateurs, la vĂ©nĂ©raient et l’aimaient. Elle encouragea Anatole France, Alphonse Daudet, Émile Zola ; partout oĂč elle rencontrait le talent, elle le louait, le soutenait et lui portait l’amour dĂ©sintĂ©ressĂ© d’un vĂ©ritable apĂŽtre. Sa gĂ©nĂ©rositĂ© Ă©galait son pouvoir de crĂ©ation. Elle gagna une fortune, non pas en se jouant comme d’aucuns pourraient le croire, mais par l’assiduitĂ© d’un labeur constant qu’elle ne se permettait jamais de diffĂ©rer ou d’interrompre ; elle avait ses enfants a Ă©lever, avec eux beaucoup d’enfants adoptifs, sans compter les autres secourus qu’elle avait pris sous sa protection. Elle alimenta donc du gain de son Ɠuvre ceux qui avaient besoin d’elle et ne garda presque rien elle ne donnait pas seulement son cƓur, sa fortune, son intelligence et son amour, elle donnait son idĂ©al Ă  l’humanitĂ©. Une telle individualitĂ© ne pouvait pas se borner Ă  cĂ©lĂ©brer dans ses Ɠuvres l’amour et les aventures romanesques, elle avait un vol d’une trop large envergure pour ne pas agrandir son champ d’action elle chercha donc Ă  exalter le dĂ©vouement sous toutes ses formes pour amĂ©liorer les conditions de la vie. Tous les problĂšmes sociaux l’intĂ©ressaient, et son gĂ©nie serait reprochĂ© de ne pas contribuer au bien que son Ăąme dĂ©sirait. Maison de George Sand Ă  Nohant-Vic Indre. Timbre Ă©mis le 9 septembre 2013dans la sĂ©rie Patrimoine de France. Dessin de StĂ©phane Humbert-Basset Si George Sand Ă©tait une haute pensĂ©e, un grand Ă©crivain et un philosophe, elle Ă©tait aussi l’amante de la nature et des humbles. Ses romans champĂȘtres furent de nouveaux chefs-d’Ɠuvre aprĂšs ceux qui la rendirent cĂ©lĂšbre. Elle connaissait la vie des paysans. Elle les recrĂ©a selon son cƓur tels qu’elle les a dĂ©peints, ils restent une crĂ©ation adorable. Sa vie, souvent tourmentĂ©e par la recherche du compagnon qu’elle rĂȘvait de rencontrer pour partager ses enthousiasmes et son idĂ©al, ne l’empĂȘcha jamais de penser Ă  autrui avant de penser Ă  elle-mĂȘme. Elle sut se sacrifier, elle sut aussi sauvegarder son travail, et son indĂ©pendance d’opinion elle n’usa jamais de ses droits Ă  la recherche du bonheur personnel qu’aprĂšs avoir rempli les nombreux devoirs qu’elle s’était imposĂ©s. Enfin, Ă  ce cƓur si fĂ©minin, si maternel, Ă  cette intelligence si noble, elle sut ajouter une loyautĂ© virile. Avec sa famille, elle Ă©tait aussi tendre, aussi jeune d’esprit dans sa vieillesse que pendant la pĂ©riode la plus mouvementĂ©e de sa vie sentimentale elle avait en plus de ce feu intĂ©rieur qui la rendait si sĂ©duisante, une grande sĂ©rĂ©nitĂ© qu’elle avait conquise sur elle-mĂȘme. AprĂšs avoir longtemps espĂ©rĂ© rencontrer le compagnon de ses rĂȘves, le soutien dans l’existence sur lequel on peut se reposer, elle avait vu peu Ă  peu mourir cet espoir, mais un autre avait grandi auprĂšs d’elle, s’était fortifiĂ© de ses dĂ©ceptions mĂȘmes, s’était consacrĂ© Ă  son amour et Ă©tait devenu une belle rĂ©alitĂ© c’était son fils, Maurice. Dans les derniĂšres annĂ©es de son existence, nous la retrouvons apaisĂ©e et sereine, sa destinĂ©e rĂ©alisĂ©e, son Ăąme satisfaite, jouissant avant tout de son intĂ©rieur parfaitement heureux, dans sa retraite bien-aimĂ©e de Nohant. Elle aimait passionnĂ©ment ce coin de terre paisible, milieu calme, humble et silencieux, tout plein du souvenir de sa grand-mĂšre, oĂč, selon ses souhaits, elle mourut et fut enterrĂ©e. Sa famille se composait de son fils Maurice, pour elle ami tout autant que fils, de sa belle-fille, Mme Maurice Sand, nĂ©e Talamatta, sa perle de la maison », comme elle se plaisait, Ă  l’appeler, et de leurs deux enfants, Aurore et Gabrielle. Ces deux charmantes crĂ©atures faisaient la joie de leur grand-mĂšre qui disait d’elles Ces chers petits ĂȘtres sont tout dans la vieillesse, mais la vie se passe Ă  trembler pour eux ! » Cette derniĂšre pĂ©riode de la vie de George Sand nous a Ă©tĂ© principalement rĂ©vĂ©lĂ©e par la publication de sa correspondance, mais c’est le sixiĂšme et dernier volume qui nous fait assister au plein Ă©panouissement de ses convictions, Ă©clatant d’autant plus vives qu’elle se heurte partout Ă  un dĂ©bordement d’athĂ©isme et de froid positivisme dont elle ne peut se consoler. La foi en l’idĂ©al devint pour elle un impĂ©rieux besoin en face de la ruine et du deuil de son pays, en la lugubre annĂ©e 1870. Quel chemin de croix pour cette ardente patriote, pour cette Ăąme humanitaire qui Ă©crivait, navrĂ©e Cette boucherie humaine met mon pauvre cƓur en loques ! » L’avĂšnement de la RĂ©publique fut, pour George Sand, un court instant d’une joie effacĂ©e bien vite par les angoisses innombrables de ces longs mois d’épreuve ; ils firent tant saigner son cƓur qu’elle se demandait s’il vivait encore. Pourtant, ferme toujours, elle ne se laissa pas abattre et tĂącha d’encourager les autres. La vie est si lourde pour les. hommes, Ă  prĂ©sent, Ă©crivait-elle le 22 fĂ©vrier 1871 Ă  Mme Edmond Adam, que les femmes leur doivent de ne pas ajouter Ă  leurs craintes et Ă  leurs chagrins. » Cette fermetĂ© lui devint plus difficile lorsqu’aux dĂ©sastres de la guerre succĂ©dĂšrent ceux de la Commune. Il lui fallut lutter contre de vraies crises d’abattement, ce qui lui faisait Ă©crire plus tard Je ne veux pas ĂȘtre dĂ©couragĂ©e, je ne veux pas renier le passĂ© et redouter l’avenir, mais c’est ma volontĂ©, c’est mon raisonnement qui luttent contre une impression profonde, insurmontable quant Ă  prĂ©sent. » Le travail fut encore cette fois pour George Sand le remĂšde hĂ©roĂŻque ; il rendit non seulement Ă  son esprit son Ă©lasticitĂ© et sa vigueur accoutumĂ©es, mais lui fournit le moyen de rĂ©parer des pertes matĂ©rielles et de rĂ©pondre avec sa gĂ©nĂ©rositĂ© habituelle aux appels faits Ă  sa bourse, plus nombreux que jamais et jamais infructueux. À l’ñge de soixante-huit ans, elle se remit Ă  travailler huit heures par jour, ayant retrouvĂ©, Ă©crivait-elle Ă  Flaubert, une santĂ© de fer et une vieillesse exceptionnelle, bizarre mĂȘme, puisque mes forces augmentent Ă  l’ñge oĂč elles devraient diminuer. Le jour oĂč j’ai rĂ©solument enterrĂ© la jeunesse, j’ai rajeuni de vingt ans. Tu me diras que l’écorce ne subit pas moins l’outrage du temps. Cela ne fait rien, le cƓur de l’arbre est fort bon, et la sĂšve fonctionne comme dans les vieux pommiers de mon jardin, qui fructifient d’autant mieux qu’ils sont plus racornis. » C’est de cette Ă©poque que date la collaboration de l’énergique sexagĂ©naire au journal Le Temps, avec la rĂ©daction duquel son ami Charles Edmond l’avait mise en rapport. Elle lui envoya deux feuilletons par mois, sur des sujets trĂšs variĂ©s, inspirĂ©s par le plus pur patriotisme et n’ayant d’autre but que de contribuer au relĂšvement moral de la France. Ces articles se trouvent pour la plupart dans les deux volumes Impressions et Souvenirs et DerniĂšres pages. Son charmant roman de Nanon parut aussi alors en feuilleton dans Le Temps, ainsi que les Contes d’une grand-mĂšre et les Promenades autour d’un village. Quant aux autres, ce fut, comme par le passĂ©, la Revue des Deux-Mondes qui en eut la primeur. George Sand vers 1870. Gravure colorisĂ©e de Smeeton-Tilly À tout ce travail de l’écrivain s’ajoutait une correspondance Ă©norme, grossie d’envois considĂ©rables de livres et de manuscrits de jeunes auteurs. George Sand lisait tout, rĂ©pondait Ă  tout, toujours pleine de bontĂ© et d’indulgence, sachant dire la vĂ©ritĂ© sans dĂ©courager, mais en dĂ©montrant la nĂ©cessitĂ© du travail et de l’effort pour arriver Ă  produire une oeuvre bonne et belle. Venaient enfin les heures de dĂ©lassements que la bonne grand-mĂšre, dĂ©chargĂ©e par son aimable belle-fille de tous les soins de l’intĂ©rieur, consacrait tout entiĂšres Ă  sa famille et aux nombreux amis qui venaient, en Ă©tĂ© surtout, animer son hospitaliĂšre maison, et se nommaient Alexandre Dumas fils, Gustave Flaubert, M. et Mme Edmond Adam, Mme Arnould Plessy, Tourgueneff, Mme Viardot et ses filles, etc. Aux jouissances de la conversation s’ajoutaient celles de la musique et du théùtre qui passionnaient George Sand. Le théùtre, le fameux théùtre de Nohant, organisĂ© par Maurice Sand pour distraire et amuser sa mĂšre, donnait alors ses plus belles piĂšces, et les spectateurs s’émerveillaient de l’entrain du directeur. Tout Ă  la fois auteur, acteur, dĂ©corateur, lampiste, machiniste, il avait inventĂ© un systĂšme nouveau pour mettre Ă  lui seul trente marionnettes en scĂšne et rendre le théùtre de Balandard » digne de ses auditeurs et de sa renommĂ©e. Mais par-dessus tout, les heures heureuses et reposantes Ă©taient pour George Sand celles qu’elle vouait Ă  l’éducation et Ă  l’instruction de ses deux petites-filles, de l’aĂźnĂ©e surtout qu’elle appelait Aurore, ma passion ! » Elle voulut elle-mĂȘme lui enseigner Ă  lire et Ă  cet effet s’appliqua Ă  la composition d’un abĂ©cĂ©daire Ă  propos duquel elle Ă©crivait Ă  Flaubert Te cherche Ă  rendre clairs les dĂ©buts de l’enfant dans la vie cultivĂ©e, persuadĂ©e que la premiĂšre Ă©tude imprime son mouvement sur toutes les autres et que la pĂ©dagogie nous enseigne toujours midi Ă  quatorze heures. » Quel excellent pĂ©dagogue devait ĂȘtre ce grand esprit possĂ©dant si bien les qualitĂ©s morales essentielles de l’emploi jeunesse d’esprit et amour de l’enfance ! Elle adorait les enfants dont le bruit et le mouvement, au contraire de la plupart des personnes ĂągĂ©es, Ă©taient pour elle autant un besoin qu’un plaisir. On voyait sans cesse sa table de travail encombrĂ©e de poupĂ©es et de polichinelles ; elle travaillait au milieu des jeux de ses petites-filles, prenait part souvent Ă  leurs joyeux Ă©bats, et tous les soirs, avant de les envoyer coucher, 6e mettait au piano pour les faire danser. Du reste, en lisant sa correspondance, il est impossible de croire Ă  l’ñge de George Sand la jeunesse de son esprit, la vivacitĂ© de ses impressions, le font sans cesse oublier. Ce qui certainement contribuait Ă  entretenir la vigueur physique de cette femme exceptionnelle, c’étaient les grandes courses Ă  travers prĂ©s et bois qu’elle entreprenait Ă  la suite de son fils, passionnĂ© de recherches entomologiques et dont nous trouvons une peinture charmante dans les Promenades autour d’un village. Puis, en Ă©tĂ©, elle se plongeait journellement dans les flots glacĂ©s de l’Indre, sans Ă©couter son mĂ©decin, et en dĂ©pit d’une coqueluche gagnĂ©e auprĂšs de ses petites-filles, et qui rĂ©sista Ă  un long sĂ©jour fait au bord de la mer, une de ses rares derniĂšres absences de Nohant. Cet Ăąge, par contre, se trahit dans les pages intimes oĂč George Sand Ă©panche son cƓur auprĂšs de ses meilleurs amis, par l’expĂ©rience, la sagesse, la rĂ©signation, l’espĂ©rance qu’elle a acquises et qui lui ont enseignĂ© Ă  juger la vie d’une façon si sereine, si noble et si Ă©levĂ©e. Les injustices, les tristesses, les douleurs inĂ©vitables en ce monde ne la rĂ©voltent plus comme autrefois contre l’ordre social. Il ne faut ni maudire, ni mĂ©priser la vie, dit-elle ; si le chagrin est bon Ă  quelque chose, c’est Ă  nous dĂ©fendre de l’égoĂŻsme. Plus loin, elle ajoute Je suis bien, bien patiente et j’empĂȘche tant que je peux les autres de s’impatienter, tout est lĂ  ; l’ennui du mal double toujours le mal. Quand serons-nous sages comme les anciens l’entendaient ? Cela, en somme, voulait dire patients, pas autre chose. Il faut ĂȘtre patients un peu pour commencer, et puis, on s’y habitue ; si nous ne travaillons pas sur nous-mĂȘmes, comment espĂ©rer qu’on sera toujours en train de travailler sur les autres ? » Et ailleurs Je ne sais rien de rien, qu’aimer et croire Ă  un idĂ©al », Ă©crit-elle encore ; et plus loin Le bonheur, c’est l’acceptation de la vie quelle qu’elle soit ! » Elle croit au progrĂšs, malgrĂ©-tout ; y travailler pour soi et les autres, voilĂ  le but de l’existence, pour lequel on trouve la force qu’on ne croyait pas avoir, quand on dĂ©sire ardemment gravir, monter un Ă©chelon tous les jours ». Il lui fallait aussi un grand courage, Ă  la noble femme, alors que le vide se faisait de toutes parts autour d’elle, et qu’elle voyait disparaĂźtre les uns aprĂšs les autres tant d’amis bien chers. La vie, Ă©crivait-elle en face d’une de ces pertes douloureuses, est une suite de coups dans le cƓur. Mais le devoir est lĂ , il faut marcher et faire sa tĂąche sans contrister ceux qui souffrent avec nous. » Son Ă©nergie ne l’abandonna jamais et sembla augmenter Ă  mesure que se montrĂšrent des souffrances indĂ©terminĂ©es d’abord, mais qui finirent par faire reconnaĂźtre un mal chronique des intestins. Les crises devinrent plus aiguĂ«s et plus frĂ©quentes, mais tout en les combattant, George Sand s’en tourmentait beaucoup moins que des nĂ©vralgies dont souffrait son fils. La derniĂšre lettre du dernier volume de la Correspondance est adressĂ©e Ă  son mĂ©decin de Paris, Henri Favre. Il est curieux de voir comment la malade y rend compte de son Ă©tat L’état gĂ©nĂ©ral n’est pas dĂ©tĂ©riorĂ©, et, malgrĂ© l’ñge soixante-douze ans bientĂŽt, je ne sens pas les atteintes de la sĂ©nilitĂ©. Les jambes sont bonnes, la vue est meilleure qu’elle n’a Ă©tĂ© depuis vingt ans, le sommeil est calme, les mains sont aussi sĂ»res et aussi adroites que dans la jeunesse. Quand je ne souffre pas de ces cruelles douleurs, il se produit un phĂ©nomĂšne particulier, dĂ» sans doute Ă  ce mal localisĂ© je me sens plus forte et plus libre dans mon ĂȘtre que je ne l’ai peut-ĂȘtre jamais Ă©tĂ©. J’étais lĂ©gĂšrement asthmatique, je ne le suis plus ; je monte des escaliers aussi lestement que mon chien. Mais une partie des fonctions de la vie Ă©tant presque absolument supprimĂ©es, je me demande oĂč je vais, et s’il ne faut pas s’attendre Ă  un dĂ©part subit, un de ces matins. J’aimerais mieux le savoir tout de suite que d’en avoir la surprise. » Deux jours aprĂšs cette lettre, George Sand s’est alitĂ©e et aprĂšs dix jours de souffrances, meurt le 8 juin 1876. Ses paroles derniĂšres furent Laissez... verdure... pas de pierre, laissez pousser l’herbe. » Ce dĂ©sir conforme Ă  son amour de la nature, de la simplicitĂ©, fut suivi par ses enfants. Quand on l’enterra, un paysan des environs de Nohant s’approcha de la tombe et y dĂ©posa une couronne en disant Au nom des paysans de Nohant, mais pas au nom des pauvres ; grĂące Ă  elle, il n’y a plus de pauvre ici ! » George SAND 1804 - 1876, Ă©crivain français Lettre autographe signĂ©e au prĂ©fet de Constantine FortunĂ© Lapaine. Nohant, 20 dĂ©cembre 1861 ; 7 pages in-8°. Longue et belle lettre de soutien Ă  son ami Patureau que George Sand compare Ă  un de ses personnages de roman, Patience, le philosophe qui ose braver la peur des Mauprat Mon excellement ami le colonel Ferri Pisani me fait lire votre lettre, comme il vous a fait lire la mienne. C est le plus prompt moyen pour s entendre mutuellement, encouragĂ©e par la bienveillance personnelle que vous voulu bien me tĂ©moigner. Je viens vous remercier non des gĂ©nĂ©reuses intentions oĂč vous ĂȘtes relativement Ă  mon ami Patureau ; Ces intentions vous sont dictĂ©es par votre caractĂšre mais du plaisir que vous exprimez, de m ĂȘtre agrĂ©able tout en obĂ©issant Ă  votre gĂ©nĂ©rositĂ© naturelle. Je ne saurais trop rĂ©clamer votre intĂ©rĂȘt pour ce colon aussi courageux qu intelligent. Je l avais en partie devinĂ©, en effet, car je ne le connaissais pas encore, quand j ai inventĂ© le bonhomme Patience [Mauprat roman publier en 1837]. Il ne lui est pas infĂ©rieur comme imagination poĂ«tique et comme sauvagerie de philosophe naĂŻf. Son refus de prĂȘter un serment quelconque rentre bien dans ses idĂ©es, mais la haine personnelle lui est inconnue, et la vengeance lui fait horreur. Jugez-le donc de plus haut que le point de vue politique, le quel n a rien Ă  faire dans la circonstance. Je l ai grondĂ© pourtant d avoir commis cette imprudence il pouvait refuser la fonction sans refuser exclusivement la formule. Il pouvait ensuite s ouvrir Ă  vous en particulier sur ses thĂ©ories. Vous l auriez compris et absous. Voici pourtant ce qui l excuse et je tiens Ă  vous le dire il a Ă©tĂ© surpris, il ignorait absolument la communication qui allait lui ĂȘtre faite de sa nomination. Il n a pas eu le tems de rĂ©flĂ©chir, et tout aussitĂŽt il a regrettĂ© la prĂ©cipitation de sa rĂ©ponse et la situation dĂ©sagrĂ©able oĂč il plaçait des fonctionnaires bienveillants pour lui, par une apparence d ingratitude personnelle. Ceci vous explique la maniĂšre confiante avec laquelle il vous a parlĂ© aprĂšs l incident. Si je ne craignais d abuser de votre tems, je vous enverrais ses lettres, et vous y verriez que sous la rĂ©publique mĂȘme, il n est pas acceptĂ© les fonctions de maire qu il a exercĂ©es, s il ait fallu jurer quoi que ce soit il dit qu un homme Ă  qui l on confit des devoirs et qui les accepte est offensĂ© par l exigence du serment que si on ne croit pas en lui, on peut le laisser tranquille. n a-t-il pas raison au fond, comme ont toujours raison les gens qui puisent leur logique dans la nature ? Cela n est pas pratique, mais c est vrai. La concession que le prince [le prince JĂ©rĂŽme Bonaparte] a bien voulu lui accorder sur ma demande, est de 49 hectares et non de 100. Ce serait une raison de plus pour cultiver, mais il faut plus de fonds qu il ne l avait prĂ©vu, et il a dit accepter une rĂ©gie dans l espĂ©rance de gagner bientĂŽt de quoi cultiver sa propre terre. En viendra-t-il Ă  bout ? Ce n est pas le courage et le savoir expĂ©rimental qui lui feront dĂ©faut. Mais le propriĂ©taire de la ferme qu il cultive aujourd hui a fait en France de mauvaises affaires et je ne suis pas sans inquiĂ©tude pour Patureau et sa famille. Son fils est intelligent et courageux aussi. Sa bru est active et dĂ©vouĂ©e. Mais la fiĂšvre les persĂ©cute et les mĂ©dailles que leur envoient les sociĂ©tĂ©s agricoles de France ne les sauveront pas de la fatigue et des dĂ©sastres. J ignore absolument ce qu il a l intention de vous demander, et je le regrette, car je vous le demanderais aussi, mais quelque chose que ce soit, je compte sur votre bontĂ© pour lui et pour quiconque, ayant une valeur rĂ©elle, eut servir avec fruit les intĂ©rĂȘts de la colonisation. Pardonnez moi cette longue lettre, ou plutĂŽt ce mĂ©moire Je ne sais si vous avez jetĂ© les yeux sur son petit traitĂ© de la vigne [Culture de la vigne. Simples conseils d un vigneron Ă  ses confrĂšres d AlgĂ©rie, Paris, 1861]. Il a Ă©tĂ© trĂšs remarquĂ© ici. » Lettre rĂ©fĂ©rencĂ©e dans la Correspondance Lubin, tome XVI, Elle est fiĂšre de son ami Patureau qu'elle compare Ă  Patience, le seul homme qui ose braver les Mauprat, famille de seigneur cruel. C'est un philosophe autodidacte qui passe pour sorcier et vit dans une tour en ruine. Mauprat est publiĂ© en 1837, c'est un conte philosophique sur fond de rĂ©volution française. N° de rĂ©f. du vendeur ABE-1612433452838 Poser une question au libraire

lettre de george sand Ă  son fils